LE NOM DE… SARA FORESTIER

Scénario génial, réalisation enlevée et maîtrisée, Le Nom des gens est une réussite indiscutable. Le film met en scène Bahia ben Mahmoud (Sara Forestier), fille d’un immigré algérien (Zinedine Soualem) et d’une bourgeoise française. Une "planquée" aux yeux bleus qui se dévoue corps et âme à la conversion de tous ses ennemis politiques – les "fachos". C’est peu dire puisque son instrument de conversion politique, et bien, c’est son cul. Bahia s’envoie tout ce qui ressemble de près ou de loin à un mec de droite, flairant le costard Alain Figaret ou la chemise Vicomte Arthur. Jusqu’à ce qu’elle tombe sur Arthur Martin (Jacques Gamblin) qui, contre toute attente, est – je vous le donne en mille – jospiniste !
Véritable tour de force, cette comédie met en question le déterminisme du nom de famille et parle de la complexité des origines, sans tenter de la résoudre. Michel Leclerc, le réalisateur, explique : "C’est un film auquel on pensait depuis que l’on s’est rencontrés (avec Baya Kasmi, la scénariste). Je lui ai demandé comment elle s’appelait, elle m’a répondu "Baya". Je lui ai dit : "- C’est brésilien ?" Elle m’a répondu "- Non, algérien. Je sais, c’est moins glamour." Baya enchaîne : "Aujourd’hui, c’est très à la mode de revendiquer ses origines, et nous on a un petit peu le truc inverse, qui est d’être touchés par les gens qui ne s’aiment pas eux-mêmes. C’est une autre façon de gérer son identité (…). On a essayé d’être sincères dans toutes les scènes sans vouloir tout maîtriser, le film n’est pas univoque, ce n’est pas un tract politique."
Le film présente ainsi une galerie de personnages empêtrés dans leurs contradictions, leurs complexes et leurs fantasmes : l’ardeur à l’ouvrage de Bahia, qui réactive un certain idéalisme d’un autre temps (les années 70 sûrement) ; l’activisme de sa mère qui reprend à son compte le combat en faveur des sans-papiers ; le silence de son père, Algérien sorti de la clandestinité par le mariage et qui ne veut "pas de problèmes" ; le déni de la mère d’Arthur Martin (la bouleversante Michèle Morreti), enfant juive cachée et sauvée de justesse durant la guerre et de son mari, M. Martin, qui a fait son service durant la guerre d’Algérie mais qui ne saurait l’évoquer pas plus que la judaïté de sa femme.
Le Nom des gens met le spectateur dans tous ses états pour l’éprouver dans le rire comme dans les larmes. Et cela fait plaisir. À l’ère Fillon III, un tel film devient presque salutaire en signant l’avènement de la pensée complexe dans le cinéma français, et en nous réconciliant du même coup avec ce dernier. De quoi nous donner une subite envie de coucher avec Brice Hortefeux.
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LE NOM DES GENS Un film de Michel Leclerc, scénario de Baya Kasmi Avec Sara Forestier, Jacques Gamblin, Zinedine Soualem, En salles le 24 novembre Facebook du film : ici |